Léah Aquene
Courir à en perdre haleine, le souffle haletant, les quatre pattes gigantesques frappant le sol humide avec force, avancer à travers les bois, prier pour ne rencontrer personne, laisser l'animal prendre le contrôle, vivre un peu plus, plus longtemps, plus fort, avec plus d'intensité. Rentrer à l'aurore, les rayons brûlants du soleil se reflétant sur un pelage noir et gris. Redevenir humain, marcher sur deux jambes, reprendre le cours d'une vie parallèle, qui semble différente, fade, sans couleurs. Être un loup.
''Certaines personnes se disent être étudiantes, d'autres employées, tout le monde a un but précis. L'un passe sa première année de médecine, d'autres sont en faculté tandis que certains ont réussi un concours pour rentrer dans une grande école. Il y en a qui travaille déjà, qui sont boulanger, cuisinier, coiffeur. D'autres ont encore de l'espoir et souhaite devenir acteur ou chanteur. Tout le monde a une idée de leur futur, savent déjà ce qu'ils veulent faire de leurs vies. Moi, je me définis comme étant une louve en cavale. Ce n'est pas un métier, et pas un mode de vie.
C'est cependant ce qui arrive quand on se fait abandonner par ses parents à l'âge de 15 ans. Lorsque l'on est en pleine maturité, qu'on croit avoir conscience du monde extérieur, qu'on pense être responsable. Mais je vais vous le dire, ce n'est pas le cas, absolument pas.
Je me suis forgée toute seule, sans personne à mes côtés. Savoir rester vivante, voilà ce qu'est mon but.
Trouver de la nourriture, de l'argent. Ne pas rester trop souvent au même endroit pour ne pas évoquer des soupçons. Être sociable sans devenir accro à la personne. Les séparations, c'est trop dur, et trop long à réparer.
Quelques fois, je suis serveuse dans un café, l'autre jour, je suis secrétaire à la poste, j'enchaîne les petits boulots qui me demandent de rester sur place qu'une semaine une deux. Avec le temps, j'ai délimité le JM, jour maximal, qui est de 22 jours. Si je reste plus, ça devient trop long. Les gens commencent à me parler, à vouloir sympathiser croyant une amitié possible.
Non pas que je ne voudrais pas. Quand je suis partie, j'ai laissé derrière moi mes parents, mais aussi mes amis du lycée. Ils me manquent. Mais peut importe.
Je ne veux pas attirer de la pitié. Je suis heureuse en tant qu'animal. Alors remballez vos mouchoirs et gardez le sourire, le destin peut toujours se montrer favorable.''